Martin

Martin s’éveille sur le quai et son dernier rêve s’allume.
De sa mémoire fuse un torrent de fresques de toiles et de plumes
Sous la cascade il se souvient des canards troués des chasseurs
En cols verts coulant doucement, s’auréolant comme des fleurs.
Combien d’étangs leur faudra-t-il pour rattraper les nénuphars ?
Sûrement plus d’une vie, et la mienne , se dit Martin

Revenu sur le quai départ pour le 7h 57
Il demande un guide au guichet de la main de sa bien aimée
Et des yeux calmes des musées où dansent l’ombre des baigneuses.
Celle des boudeuses à chapeaux et les mains sur les nappes blanches.
Tout près sont exposés les plaies les christs et les chevaux tordus
Mais les nappes resteront blanches sous les yeux calmes des musées
Sûrement plus d’une vie, et la mienne , se dit Martin

Martin sur le sable opiacé où sont les grands opopanax
peint en bleu les veines du ciel et des mains de sa bien aimée,
Ému de les trouver tous deux si semblables et si fatigués.
Approchant la bordure du quai pour leur envoyer un baiser
Il se fait gravement tuer par le 7h 57
Déboulant comme un dératé d’un échangeur de voie lactée.

Étonné d’en perdre déjà le goût des fresques opiacées
Il rattrape au fond de l’étang les colverts coulant doucement
et les nénuphars pas pressés d’achever leur vie et la sienne.
Alors pour finir en beauté et pour ne pas les faire attendre

sur la peau pâle des musées Martin tague sa bien aimée
la main sur la nappe creusée des veines bleues du ciel d’été.
sur la peau pâle des musées Martin tague sa bien aimée
ses mains y resteront parées des veines bleues du ciel d’été
Sûrement plus d’une vie, et la mienne , se dit Martin

SABINE
DRABOWITCH