Ici et même si

C’est une nuit à nous ici et même si ailleurs les chats sont gris
C’est une nuit à nous ici et même si ailleurs les chats sont gris
Nos phares allumés à travers la fumée on nous devine à peine
On nous devine à peine avec nos mats qui craquent et nos voiles foraines
Avec nos joies qui claquent et nos cales sereines on nous devine à peine

Feux follets bousculant nos plans sur la comète tête tout contre tête
Ajoutant quelques touches à nos pianos de sable bouche tout contre bouche
De son vaisseau le diable nous prédit en trinquant des mots abominables
Mais notre drapeau blanc nous délivre mille ans d’amour inguérissable.

C’est une nuit à nous ici et même si ailleurs les chats sont gris
C’est une nuit à nous ici et même si ailleurs les chats sont gris

On peut tenir nos rôles, l’échelle de nos épaules pour un peu plus de vie
Etre tendre être drôle, y a pas de petit rôle pour que le gris sourit
Commencer par le saule y a pas de petit rôle commencer par le saule.

Poser sur chaque feuille le baiser d’un clin d’œil que le pleureur oublie
Tout un siècle de deuil au reflet dans l’étang de ses larmes d’argent
Gaies comme des écureuils bondissant sur l’écorce de son tronc comme un torse
Rafraîchi par la pluie, raviné par la pluie, tatoué par les amants

Tatoué par les amants, au travers de son âge il nous devine au large
Il nous devine en flou nos rires de binious nos bancales fredaines
Nos faims de loup-garou nos tendres mise en joue il nous devine à peine

C’est une nuit à faire pousser des réverbères sous chacun de nos pas
Guirlande de colère digne escorte de roi pour vagabond en joie

D’éclabousser le port de lampions rouge et or d’éparpiller les cendres
Une nuit à s’entendre une nuit sans méandres une nuit sans remords

Avec un vent baroque propulsant dans nos focs moqueurs l’onde de choc
Et jusque dans nos os, nos mains sont des radeaux que le grand cric me croque
C’est une nuit magique aux ombres chaotiques échappées des cachots
Dansant au fond des criques au son vert de l’écho des royaumes aquatiques

Sous la lune arrêtée nos algues enlacées refont le monde beau
Alors la nuit s’embue, de gros embruns salés lui gonflent les paupières
Elle pleure des chalutiers.
Elle pleure des chalutiers et nos vagues émues les regardent sombrer
Avant de se briser, mais en regardant fort on nous devine encore
On nous devine en flou carabosses, voyous, nos rires de binious
la nuit à nos genoux, on nous devine en flou
On nous devine bien à travers les embruns farfadets et lutins
Et du soir au matin on nous devine bien

C’est une nuit à nous ici et même si ailleurs les chats sont gris
C’est une nuit à nous ici et même si

SABINE
DRABOWITCH