J’y viens

J’y viens à cet instant, ce degré, la charnière,
au point d’appui au point d’ancrage au point de fuite
là où tous nos désirs ricochent et reviennent
là où tout nos regrets redeviennent fumée,
J’y viens à ce soleil qu’aucun de nos meilleurs
n’a jamais pu troubler de l’ombre d’un orteil
à ce bleu transpiré sous des aisselles d’anges
où pour changer chemise ici on change d’aile.
 
J’y viens, et ceux qu’on aime alors, et ceux qu’on aime ?
Nos amours immortels alors, on en fait quoi ?
 
J’y viens à l’arc en ciel, au prisme formidable,
à la queue déployée tenant tout l’univers
d’enfer à paradis dans sa gueule voûtée,
dans sa gueule aux couleurs triomphantes du vide
j’y viens à l’immuable, à nos maigres colères
à notre rien du tout, face à ce tout de rien
ce tout d’éternité qui nous écrase l’œuf,
et la vie et la mort en la même bouillie.
 
J’y viens, et ceux qu’on aime alors, et ceux qu’on aime ?
Nos amours immortels alors, on en fait quoi ?
 
Sous employés c’est sûr, la voila notre part,
cette raclure de temps, ce postillon de vie.
Et nous la multitude, et nous notre appétit
à bouffer l’indicible, à hurler au tombeau ?
L’éternité n’a pas de coffres à forcer.
Rien à choper, trouver, tirer, dévaliser,
dépouiller, supplier, fouiller, rien à mendier,
sans le sou d’existence, sans le sou d’avenir.
 
J’y viens, et ceux qu’on aime alors, et ceux qu’on aime ?
Nos amours immortels alors, on en fait quoi ?
J’y viens, et ceux qu’on aime alors, et ceux qu’on aime ?
Nos amours immortels alors, on en fait quoi ?

SABINE
DRABOWITCH