Pauvre pomme
Oublié des dieux et du cœur des hommes,
Je suis né vieux front ridé pauvre pomme ;
Déjà je savais au levé du jour
Que c’était tout à fait cuit pour l’amour.
Je voudrais bien
Les pousser au chagrin
Pour qu’ils ouvrent les mains
Je voudrais bien
Qu’ils s’oublient quelques fois
Pour penser à moi.
J’aurais voulu qu’on m’aime
J’aurais voulu qu’on m’aime
Qu’on fasse semblant
Même.
Voyez comme je suis beau
Voyez ma gueule de crapaud
Voyez mes yeux vitreux
Voyez mon regard globuleux
Voyez mon teint grêlé
Et ma chair de poule faisandée
C’est comme ça que je suis né
C’est comme ça que ma mère m’a fait
Et c’est comme ça que je veux être aimé
Et c’est comme ça que je veux être aimé
Je veux une vie et pas un chemin de croix
Et si ma pomme ne vous attendrit pas
Elle est là bien vivante et tant pis pour vous
Il faudra la supporter jusqu’au bout
Je voudrais bien…
Voyez comme je suis grand,
Et j’ai encore mes quatre dents
la creuse les deux caries
Et la sagesse on m’a rien pris
Voyez ma fleur de l’âge
Sourire de vieil enfant sage
C’est comme ça que je vieillis
C’est comme ça que me fait la vie
Et c’est comme ça que je veux être aimé
Et c’est comme ça que je veux être aimé
Quand la vieille viendra me conduire au trou
Bon débarras, j’laisserai ma gueule au clou
Et le reste au vestiaire du bal des tout nus
J’entrerais dans la danse des disparus
Voyez comme je suis fier
De ce côté de la frontière
On fait moins de manière
Avec mes amis de poussière
Ici, pas de mystère.
On a tous des gueules d’atmosphère !
C’est comme ça on est mort
Y a la terre qui nous serre bien fort
Et dites, ça fait drôle d’être aimé
Et dites ça fait drôle d’être aimé…