Neige
Surplombant de sept cent vitres de verre fumé
Votre ville enneigée du vertige je me joue
D’un doigt m’accrochant aux bois blancs d’un caribou doux
Sur lui je peux compter beaucoup mieux que sur vous
Qui prétendez m’aimer avec vos yeux féroces
Qui m’aimez cependant comme un molosse un os
Moi qui n’ai pour bijoux que mes rêves sioux
Arrimée à mon roux ruminant renne rosse
Je creuse avec une pelle un étang dans la neige
Je n’ai que peu de pain et crains un rude siège
Tant dans ce ciel gercé aucun vœu ne s’exauce
J’ai pourtant exhorté à chaque étoile filante
Le ciel de m’accorder votre amitié cagneuse
Me rendant moins teigneuse, moins frêle et plus heureuse
Avec ses entrechats de rockeuse voyante
Mais je creuse avec une pelle dans la neige
Je n’ai que peu de pain et crains un rude siège
Demandant aux bossus de leur toucher la bosse
Tant dans ce ciel gercé aucun vœu ne s’exauce
Sous mes pieds lentement les étages s’abrègent
Cent trois, cent deux, cent un, et les vitres fumées
Explosent dévoilant l’échine calcinée
D’un squelette de tour que plus rien ne protège
Je dévale vers vous mon toboggan glacé
Avec mon rire rouge en guise de faux-col
Et mon peu d’à propos en guise de boussole
Comptant être à bon port avant minuit sonné
J’y suis. Il fait nuit noire et vous n’y êtes pas
J’ai cassé mon lacet et la luge est perdue
Il me faut à rebours passer le fleuve en cru
Dans la plaine enneigée sans caribou doux
Ni roi ni reine ni molosse ni rêve ni bijou
Je souris d’une main et de l’autre je joue
à chat, cache-cache pas pris pas vu
Dessous ce ciel sioux où je vous déjoue